De grandes affiches à l’effigie du Général-Président Brice Clotaire Oligui Nguema trônent outrageusement sur les panneaux publicitaires géants. On se croirait en pleine campagne électorale où les tronches des différents postulants saturent nos rues et les espaces d’affichage. Officiellement, le général célèbre ses 100 jours au trône.
Cependant, à cette allure, les opérateurs économiques vont être sevrés d’espaces où promouvoir leurs produits. Surtout s’il occupe tous les panneaux géants comme ce fut le cas à la présidentielle d’août dernier où son prédécesseur avait eu le culot de tout réquisitionner au grand dam de ses challengers.
Est-ce une opération de séduction ou le culte de la personnalité qui est en train de germer ? Je m’interroge ! C’est ainsi que naissent les régimes totalitaires. Les Mussolini, Hitler, Franco, Mobutu, Bongo, Eyadema, Sassou Nguesso (alias Otchombé l’ange noir), Bokassa, Biya (qui a encore de l’énergie à revendre)… ont commencé ainsi. A croire une tentative totalitaire. Sans pour autant me risquer à donner dans l’exubérance gratuite, les signes avant-coureurs sont là pour nous édifier. La charte de la transition qui exclut tous ceux qui sont nommés durant tout le temps que va durer ce trait d’union, ne nous éclaire curieusement pas sur le cas très préoccupant du Général-Président. Sera-t-il oui ou non candidat lors des futures échéances électorales de 2025?
A ce qu’il semble, le formatage politique de l’étoilé en chef est en route. Ses différentes rencontres avec certaines gens sont sans doute pour quelque chose. L’interview du président Tchadien Idriss Deby Itno accordée aux confrères français peu avant son assassinat, est révélatrice et conforte mes soupçons. Des constitutionnalistes venus de l’hexagone lui avaient proposé de triturer la loi fondamentale de son pays avec en contrepartie son éternité au pouvoir. Son refus fut fatal. Sa vie fut simplement abrogée.
Pour ce qui est de notre Général-Président, n’a-t-il pas, à force de fréquenter des gens infréquentables, chopé le virus qui transforme un citoyen sympathique en parfait potentat ? Sa tendance à porter costume cravate à la place de l’uniforme militaire, trahi ses intentions naissantes. Reste plus qu’à aller prendre des cours de rattrapage chez des dictateurs de renommé internationale. D’ici là qu’il exhume les groupes d’animation ayant ‘’imbécilisé’’ la femme gabonaise, et se fasse ériger une stèle à sa gloire, il n’y a que l’épaisseur d’un poil.
Et si les gardiens du temple issus du PDG, cette grande fabrique qui a réussi l’exploit de transformer les deux Bongo en monstres totalitaires, étaient eux aussi à la manœuvre ? Et dire que les « pédégistes » qui se sont torchés avec les bulletins de vote à chaque élection et hypothéqué les chances de ce pays d’accéder au développement sont toujours aux affaires, j’en rage.
Il est vrai que nous devons bâtir ce pays avec tous ses fils comme le soutiennent certains observateurs de la vie politique, mais cet argument, de mon point de vue, est léger voire spécieux. Ces gens ont tué le pays, faut-il encore leur accorder une once de crédit, les associer à l’œuvre de ‘’restauration’’ ? Ce pays manque de compétences au point de solliciter celles issues du giron « pédégiste » ?
Contre-productif
Des compétences, il y en a pourtant à la pelle. Sauf qu’elles ont été mises en quarantaine par ceux-là qui nourrissaient un complexe d’imposture. C’est comme s’ils bénéficiaient d’une Amnesty de fait, on les voit encore arpenter nos rues, alors qu’on les croyait en résidence surveillée.
Vu sa côte de popularité qui est en passe d’atteindre les sommets de l’Everest et fait de lui une sorte de rock-star, occuper les espaces publicitaires est superflu et peut même s’avérer contre-productif pour son image. Par un phénomène d’assimilation, le peuple risque d’associer son image à celles des Bongo et ainsi réveiller les vieux démons.
Le général-Président à l’obligation de résultat car il ne doit surtout pas rater son rendez-vous avec l’histoire. L’histoire retiendra de lui courage et patriotisme. Il a bien commencé, qu’il poursuive l’œuvre de restauration déjà saluée par de nombreux Gabonais.
Une transition n’a pas besoin de ce spectacle grotesque.
Timothée Mémey, journaliste éditorialiste