Ali Bongo brise le tabou et fait le récit incroyable de son AVC à Ryad en octobre 2018

L’état de santé du président Ali Bongo est l’un des sujets tabous au Gabon. Et pourtant ce samedi 2 avril, le numéro un gabonais a librement décidé d’en parler publiquement devant ses militants qui célébraient en différé le 55^ème anniversaire du Parti démocratique gabonais (PDG, le parti au pouvoir) et par ricochet à toute la nation.

Ali Bongo a tenu en haleine le public du palais des Sports à Libreville où était rassemblé très nombreux les militants du PDG venus commémorer les 55 ans de l’ancien parti unique toujours au pouvoir.

tout a pourtant tranquillement démarré. Le distingué camarade lisait fidèlement son discours préparé par ses équipes. Brusquement, il a quitté son texte des yeux. Tout le monde a cru que le président de la République s’est planté.

Le maître de cérémonie a scandé à la va vite des slogans pour haranguer la foule et espérer faire oublier ce petit moment d’égarement. Non. Ali Bongo ne s’est pas planté. Il est demeuré statique. Puis il a lancé : « je voudrai prendre quelques minutes pour vous raconter ce que je n’ai pas dit encore ».

« Venu de Londres, j’atterri en Arabie Saoudite », dit-il. Silence. Personne ne sait de quoi va-t-il parler.  

« Ce matin-là, j’ai eu des réunions avec des chefs d’Etat. Tout s’est bien passé », dit-il. Tout le monde commence à comprendre qu’il parle du fameux 24 octobre 2018 date à laquelle il a été foudroyé par un Accident vasculaire cérébral (AVC) dont il porte encore des stigmates.

Le président raconte que sa délégation était avec lui jusqu’au déjeuner. Elle lui a quitté puisque lui devait participer avec le président sénégalais, Macky Sall à une émission pour expliquer la présence des dirigeants africains au sommet de Ryad sur les investissements.

« Je me suis retrouvé seul à table parce que les autres étaient descendus », raconte-t-il avant de nuancer : « je ne me souviens plus de la manière dont les choses se sont passées ».

« Mais je me souviens que j’ai demandé qu’on appelle le médecin. Dès qu’il est arrivé… à partir de ce moment, je ne me souviens plus de rien jusqu’au dernier jour de mon séjour en Arabie Saoudite. Pourtant, entretemps je me suis réveillé. J’ai parlé. Ma famille était arrivée, femme et tout ca… », a-t-il dit.

« J’ai fait un blocage total de mon séjour en Arabie Saoudite. Je me souviens du dernier jour. Je me suis promené un peu dans l’hôpital pour me détendre et nous sommes partis pour le Maroc », a-t-il ajouté.

Ali Bongo dit se souvenir de l’ambiance qui prévalait dans l’avion qui l’a amené jusqu’au Maroc. Il a remercié le Roi du Maroc « son frère », Mohamed VI, qui l’a hébergé et a tout fait pour lui.  

« Le Roi a tout fait pour moi. J’ai logé chez lui. Et j’ai bénéficié de tous les soins pour pouvoir reprendre petit à petit mes esprits », a-t-il témoigné.

Durant sa période d’inconscience à Ryad, Ali Bongo a affirmé avoir oublié le français au profit de l’anglais. Il suivait les télévisions américaines et anglaises plutôt que francophones, même durant sa convalescence au Maroc. C’est grâce à l’anglais qu’il comprenait ses médecins. Petit à petit, l’usage du français lui est revenu « jusqu’au moment où je suis rentré définitivement » au pays.

« J’ai encore quelques souvenirs comme le premier message que je vous ai fait à la noël qui n’avait que quelques lignes », s’est-il remémoré. Il s’agissait en fait du message de nouvel an 2019. Le putschiste, Kelly Ondo avait évoqué ce laconique message comme prétexte pour affirmer qu’Ali Bongo n’était plus apte à diriger le Gabon. Kelly Ondo, lieutenant de la garde d’honneur à la garde républicaine avait tenté un coup d’Etat le 8 janvier 2019. Celui-ci avait été déjoué par les forces spéciales après quelques heures de prise en otage de la maison de la radio.

« Mais je me souviens quand je suis rentré définitivement du Maroc. Combien vous m’avez marqué par votre accueil ! … je ne sais pas. Et en plus, tout ce monde a accompagné ma voiture jusqu’à chez moi… Ca m’a fait un bien fou. Vous ne pouvez pas vous rendre compte du bien que ça pu me faire », a –t-il souligné avant de se plonger dans un long moment de remerciements.

Ali Bongo n’a pas également oublié les moments difficiles du Covid 19. Mais il pense désormais aux prochaines élections générales prévues dans le pays en 2023 : présidentielle, législatives et locales.

« Je n’aurais pas pu faire tout cela sans votre soutien… Vous m’avez soutenu. Avec un peuple comme celui-là, on se sent fort. Il n’y a pas à douter. On ira encore plus loin, plus loin, plus loin et nous allons le faire tous ensemble car le pays a besoin de nous », a-t-il insisté.

« Je suis entièrement au service du pays car Dieu m’a donné la leçon… Soit au service de ton pays ! car la maladie que j’ai eue, je suis chanceux. Il y a à peine 10% qui revivent après ça et aucun chef d’Etat », a-t-il martelé.

« C’est une bénédiction de Dieu », a-t-il avoué lui qui est musulman pratiquant.

Déterminé à briguer un 3^ème mandat, l’actuel président gabonais analyse que Dieu a voulu qu’il reste pour « rester en contact des populations et faire ce que je peux. Parce que Dieu a voulu que nous restons ensembles… et que je continue à porter la voix du Gabon partout », a-t-il conclu.

Dans l’auditoire, beaucoup attendaient qu’après cette longue évocation, Ali Bongo annonce officiellement sa candidature à la prochaine élection présidentielle, mais il ne l’a pas fait. Il a maintenu le suspens.

Carl Nsitou