Zacharie Myboto au siège de son parti @ DR
Libreville, 22 octobre (Gabonactu.com) – Le président de l’Union nationale (UN, opposition), Zacharie Myboto s’est livré samedi au siège de son parti à Libreville, à une analyse comparée de la mouture de la constitution gabonaise en cours de révision avec l’actuelle constitution, en affirmant que la révision en cours est « une provocation » dont le but est de mettre au point une constitution taillée sur mesure.
« Le pouvoir établi (…) s’autorise une provocation sans nom, en décidant une révision de la Constitution de notre pays, qui bouleverse totalement l’équilibre des pouvoirs hérité du consensus de la conférence nationale de 1990 et consacré dans la Constitution de la République de 1991 qui a été votée à l’unanimité par un Parlement à représentation presqu’égale », a affirmé M. Myboto.
Le président de l’UN s’attarde sur l’article 8 nouveau, qui détermine les compétences du président de la République. Il stipule actuellement que : « Le Président de la République est le Chef de l’État ; Il veille au respect de la Constitution ; Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il détermine, en concertation avec le Gouvernement, la politique de la Nation. Il est le détenteur suprême du pouvoir exécutif qu’il partage avec le Premier Ministre ».
Le projet de révision modifie fondamentalement les compétences du président de la République en réécrivant cet article ainsi qu’il suit : « Le Président de la République est le Chef de l’État ; il veille au respect de la Constitution ; il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l‘État. Il détermine la politique de la Nation. En cas de changement de majorité à l’Assemblée Nationale, la politique de la Nation est déterminée par le Président de la République en concertation avec le Gouvernement. Le Président de la République est le détenteur suprême du pouvoir exécutif ».
Cette modification de l’article 8 de la Constitution transfert au président de la République la totalité du pouvoir exécutif qu’il doit partager avec le Gouvernement, soutient Zacharie Myboto.
Le président de l’Union nationale rappelle que le pouvoir exécutif est partagé entre le président de la République qui tire normalement sa légitimité du suffrage universel direct à travers l’élection présidentielle et le Gouvernement qui tire sa légitimité de la majorité à l’Assemblée nationale, donc des élections législatives.
La suppression de la concertation avec le gouvernement dans la définition de la politique de la Nation, et du partage du Pouvoir exécutif avec le premier ministre, établit sans équivoque le règne absolu, le pouvoir autocratique du président de la République, désormais seul maître aux commandes de tout.
Cette réécriture de l’article 8 est extrêmement grave. Elle change le régime semi-présidentiel en cours jusqu’ici et instaure un régime présidentiel total, réduisant le premier ministre au rôle de contremaître de ses ouvriers que sont les autres membres du gouvernement.
« C’est la Monarchisation insidieuse de la République. Ceci est contraire aux dispositions des articles 7 et 117 de la Constitution, qui condamnent notamment tout acte portant atteinte à la forme républicaine de l’État et au caractère pluraliste de la Démocratie. C’est un parjure ! » déplore-t-il.
Au sujet des articles 15 et 20 nouveaux, ils disposent que les membres du gouvernement et les commandants en chef des forces de défense et de sécurité devront désormais prêter serment devant le président de la République, pour lui faire allégeance.
« Cette disposition relève d’une époque révolue, la République se fondant, entre autres, sur les principes de la Démocratie pluraliste, de l’État de droit, ainsi que sur le Respect des Libertés de Conscience, de Pensée, d’Opinion, d’Expression et de Communication, prévues au paragraphe 2 de l’article 1er de notre Constitution. Les serments d’allégeance à une personne n’ont pas leur place dans une République », rappelle Zacharie Myboto.
Concernant l’article 36 nouveau, alors que dans la Constitution actuelle, l’article 36 dispose que : « Le Parlement vote la loi, consent l’impôt et contrôle l’action du pouvoir exécutif dans les conditions prévues par la Constitution ».
Selon Zacharie Myboto, le projet de révision limite désormais le contrôle du Parlement au seul Gouvernement.
« En agissant ainsi, Ali Bongo Ondimba veut soustraire du contrôle du Parlement les actes des Agences rattachées au président de la République et placées directement sous son autorité, au mépris des règles de la responsabilité administrative, alors qu’elles sont exclusivement financées par le budget de l’Etat et administrées par des agents de l’Etat ou assimilés, mais surtout, au mépris et contre les dispositions de l’article 14 de la Constitution qui précisent que « L es fonctions de président de la République sont incompatible avec l ’exercice de toute autre fonction publique et activité privée à caractère lucratif ».
« Cette disposition exprime mieux que tout, la peur du contrôle des représentants du peuple et la volonté de maintien du pouvoir absolu, doté de leviers qui permettent au monarque, une gestion parallèle de l’Etat hors de tout contrôle », poursuit l’homme qui a été l’architecte du pouvoir sous Omar Bongo durant plus d’une décennie.
Zacharie Myboto s’est également attardé sur l’article 9. L’alinéa 1er de celui-ci est formulé comme suit : « Le président de la République est élu pour sept (7) ans, au suffrage universel direct. Il est rééligible ».
Pour le président de l’UN, cet article consacre la « rééligibilité à souhait, mieux, à l’infini, du président de la République. Un véritable recul démocratique qui fait que le Gabon devienne pour l’initiateur de cette révision, sa Chose, son Royaume, et les Gabonais, ses Sujets. C’est encore là, une preuve de plus de la Monarchisation de la République ».
Or, affirme-t-il, la limitation à un mandat, renouvelable une fois pour le président de la République, est devenue de nos jours, une donnée de notoriété universelle, y compris dans les vieilles démocraties. Le Gabon ne peut continuer à y déroger.
« Bien sûr, l’Union Nationale n’attend pas grand-chose de la Cour Constitutionnelle qui est appelée à valider ce texte », averti-t-il.
« Nous ne devons pas laisser faire ! Continuons notre combat permanent, dans le respect de ce que nous sommes, sans violence, mais avec dignité, fermeté et conviction. Notre Cher pays le Gabon, les jeunes générations et les générations à venir nous en seront reconnaissants », a-t-il lancé.
Martin Safou