Depuis leur sortie de l’École nationale des eaux et forêts (ENEF), les élèves officiers des promotions 2018 à 2024, visiblement désespérés ne savent plus à quel saint se vouer. En dépit de nombreuses et pénibles démarches initiées en vue de leur intégration dans la fonction publique, la situation n’a pas jusqu’ici prospéré pour des raisons inexplicables.
Entre 2020 et 2024, ces sortants écoles ont engagé les démarches à la Présidence de la République, à la Primature ainsi qu’au Ministère en charge des Forêts, notamment auprès du Ministre d’alors Lee-White. Toutes les réponses obtenues se sont limitées à des appels, à la patience, sans résultats concrets.
En 2021, plus de 200 postes budgétaires avaient pourtant été octroyés au Ministère des Eaux et Forêts. Ces postes ont été attribués à des personnes n’ayant jamais fréquenté l’ENEF ni suivi de formation militaire, au grand désarroi des sortants légalement formés. Cette situation a profondément ébranlé la confiance de ces jeunes cadres tout en renforçant un sentiment d’injustice et d’inégalité de traitement.
Le 30 aout 2023, à la suite du coup de libération, un immense espoir au sein des étudiants et sortants de l’ENEF a vu le jour. Cet événement historique a été perçu comme le début d’une nouvelle ère, fondée sur la justice, la transparence, la méritocratie et la rupture avec les pratiques du passé. Les discours de refondation de l’état ont renforcé la conviction que les situations injustes et les dossiers bloqués trouveraient enfin une issue favorable.
Malgré cette injustice, les sortants de l’ENEF ont poursuivi leurs démarches et continué à servir l’administration. Ils ont notamment participé aux défilés officiels du 17 août et du 30 août 2024, à l’occasion de la fête de l’Indépendance et de la fête de la Libération, sur la base de notes administratives officielles. Leurs prestations ont permis de capter l’attention du Président de la République.
Dans cette dynamique, le 11 octobre 2024, une note officielle du Directeur général de l’ENEF a demandé aux promotions 2018 à 2024 de constituer à nouveau des dossiers et de les déposer entre le 16 et le 31 octobre 2024 de toute urgence. Cette note faisait suite aux instructions du Ministre des Eaux et Forêts, Maurice Ntossui Allogo, contenues dans son courrier n°1127/MES/SG du 09 octobre 2024, relatif à la centralisation des dossiers de demande d’intégration.
Le 09 janvier 2025, le Président de la République a solennellement annoncé l’octroi de 3 000 postes budgétaires répartis entre la Douane, l’ANPN et le Ministère des Eaux et Forêts, reconnaissant que ces jeunes étaient correctement formés et aptes à servir la nation.
De février à août 2025, le processus d’intégration a pris forme à travers des enquêtes de moralité et des examens médicaux, à la charge des candidats (60 000 FCFA pour les hommes et 65 000 FCFA pour les femmes). Cette phase s’est déroulée sans aucun document officiel, obligeant plusieurs sortants à abandonner leurs emplois, entraînant pour certains des ruptures de contrat et pour d’autres des réductions de salaires.
Le 03 mai 2025, sans note officielle et par un simple message WhatsApp, les sortants ENEF ont de nouveau été sollicités pour participer à la cérémonie d’investiture du Président de la République, Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema. Ils y ont répondu avec dévouement, représentant valablement le Ministère aux côtés de l’ANPN.
Le 15 juin 2025, un courrier officiel a annoncé le lancement des entraînements pour les festivités du 09 août (Journée nationale du drapeau) et du 17 août 2025 (fête de l’Indépendance). Ce même courrier évoquait la formation de 900 nouvelles recrues par vagues de 300, sur une durée annoncée de 45 jours par contingent.
Or, le premier contingent, entré en formation le 12 août 2025, s’est retrouvé à passer 3 mois sans justification claire. Cette situation soulève une question majeure : quelle est la pertinence de cette formation pour des agents ayant déjà suivi une formation militaire de deux, trois ou cinq ans à l’ENEF ? Pourquoi ne pas finaliser d’abord leur intégration, puis envisager une formation de renforcement des capacités de type FETTA ?
Par ailleurs, ces anciens élèves officiers ont été à nouveau mobilisés pour défiler, parfois au prix de déplacements risqués vers Tchibanga, Koulamoutou, Makokou et Fougamou, uniquement par amour pour la patrie. Leur rôle semble se limiter à représenter le Ministère lors des cérémonies, sans reconnaissance administrative réelle.
La cérémonie officielle de sortie du premier contingent, initialement prévue une semaine après la fin de la formation, accuse aujourd’hui plus d’un 1(mois) de retard. Aucune note officielle ni date précise n’a été communiquée. Ces derniers se retrouvent ainsi dans une situation de chômage total.
Cette précarité a déjà coûté la vie à certains. L’un des leurs a disparu en novembre 2025 dans la forêt d’Ikobé dans la province de la Ngounié (sud du pays) alors qu’il cherchait de quoi subvenir à ses besoins. Si les postes budgétaires annoncés le 09 janvier 2025 avaient été effectivement attribués, ce drame aurait-il eu lieu ? La question vaut son pesant d’or. D’autres sont décédés (4) sans jamais bénéficier du fruit de leurs efforts.
Par ailleurs, certains promotionnaires issus de familles aisées ont déjà, soutiennent sortants écoles lésés, obtenu des postes budgétaires et prêté serment. Comment expliquer alors que l’intégration au Ministère des Eaux et Forêts s’éternise, quand la Douane a pu intégrer son personnel en six mois ? Certaines personnes, par inertie ou par volonté délibérée, retardent–elles l’avancement des dossiers, au risque de nuire à la politique de refondation de l’état portée par les plus hautes autorités ? Cette lenteur administrative alimente un profond sentiment d’injustice et d’opacité.
Les sortants de l’ENEF demandent notamment, la transparence sur la répartition des 3000 postes budgétaires. Autrement dit, l’attribution effective des postes budgétaires revenant aux sortants ENEF ; la situation exacte des dossiers des 900 recrues ( Sont-ils encore au ministère des Eaux et Forêts ou à la Fonction Publique ?) et la clarification immédiate des blocages administratifs relatifs à leur processus d’intégration.
Camille Boussoughou/Tryphène Lembah et Stone Ferrari Mikala

