Affaire BGFIBank vs E-Doley : la Cour Constitutionnelle dégonfle BGFIBank

La bataille judiciaire opposant BGFI Holding Corporation et sa filiale BGFIBank Gabon à la FinTech gabonaise E-Doley Finance vient de connaître un tournant décisif. En tentant de porter le différend sur le terrain constitutionnel, le puissant groupe bancaire espérait faire invalider une décision défavorable de la Cour d’appel. Mais la Cour Constitutionnelle de la Transition, par la décision n°173/GCCT rendue le 16 décembre 2025, a fermé la porte à cette stratégie, déclarant irrecevable l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par le groupe bancaire BGFIBank.

Une décision technique en apparence, mais lourde de conséquences juridiques et symboliques, qui remet le dossier sur son terrain naturel : celui du contentieux commercial.


Une tentative de contournement stoppée net

Opposées à E-Doley Finance dans un conflit commercial de longue haleine, BGFI Holding Corporation et BGFIBank Gabon avaient saisi la Cour Constitutionnelle dans l’espoir de faire frapper d’inconstitutionnalité une décision de la Cour d’appel rendue en faveur de la FinTech. Une manœuvre perçue par de nombreux observateurs comme une tentative de déplacement du débat, voire de contournement des juridictions ordinaires.

La haute juridiction constitutionnelle n’a pas suivi. En déclarant l’exception d’inconstitutionnalité irrecevable, elle a rappelé un principe fondamental : tous les litiges ne relèvent pas du contrôle constitutionnel, surtout lorsqu’ils trouvent leur source dans un différend contractuel entre opérateurs économiques. Résultat : le groupe BGFIBank est renvoyée à la case départ.


Retour obligé devant la Cour d’appel

Faute de succès devant la Cour Constitutionnelle, les deux anciens partenaires devront désormais retourner devant la Cour d’appel pour plaider le fond du dossier. Un exercice autrement plus périlleux pour le groupe bancaire, car il implique d’affronter frontalement les accusations portées par E-Doley Finance : rupture abusive de contrat, exploitation d’une technologie protégée sans autorisation, et non-respect des engagements financiers.

À ce stade, BGFI Holding Corporation et BGFIBank Gabon n’ont toujours pas réagi publiquement à la décision du 16 décembre. Un silence lourd, alors que les enjeux financiers et réputationnels sont considérables.


Rappel des faits : une alliance devenue guerre judiciaire

L’histoire débute en 2001, lorsque la FinTech E-Doley Finance et le groupe bancaire BGFIBank décident de s’associer. À l’époque, la confiance est affichée. Les parties signent un contrat qu’on peut qualifier de « clair-obscur » : le patron d’E-Doley est tantôt traité comme un partenaire stratégique et collaborateur externe, tantôt comme un cadre interne du groupe.

Le partenariat porte sur ce qui est alors présenté comme « l’or de demain » : une technologie financière innovante, domaine dans lequel E-Doley apporte une expertise pointue que le groupe BGFIBank ne maîtrise pas encore. Pour assurer le succès du projet, de grands experts français, dubaïotes et mauriciens ainsi que des spécialistes de Mastercard Afrique et Moyen-Orient, sont mobilisés. Le projet fonctionne. Mieux : il rayonne.

En reconnaissance de cette réussite, Ernest Akendengue Tewelyo, fondateur et promoteur d’E-Doley Finance, reçoit en 2015 à Maputo (Mozambique) le prix de la meilleure jeune entreprise d’Afrique pour son innovation e-DoleyCash. Une consécration qui, paradoxalement, va précipiter la rupture.


L’éviction et la riposte judiciaire internationale

Selon E-Doley Finance, le succès scelle son sort. La FinTech est progressivement dépossédée de ses travaux, tandis que le groupe bancaire poursuit l’exploitation de la technologie. Estimant être victime d’une rupture abusive de l’accord et de l’utilisation non autorisée d’une technologie qu’elle revendique comme protégée, Ernest Akendengue Tewelyo engage une offensive judiciaire internationale sur plusieurs juridictions.

Les procédures sont lancées en 2018 à Paris et en 2020 à Libreville, avec un objectif clair : obtenir réparation pour le préjudice subi et faire reconnaître les droits de la FinTech sur les fruits de son innovation.


Plusieurs milliards de FCFA en jeu

Au-delà des principes, le contentieux est aussi financier. Les montants évoqués par BGFI Holding Corporation dans son document d’information d’introduction en bourse du 10 juillet 2025 signé d’Henri Claude Oyima se chiffreraient en plusieurs milliards de FCFA, ce qui explique l’âpreté du combat judiciaire et les stratégies procédurales successives.

Pour BGFIBank, l’enjeu dépasse le simple litige commercial. Il touche à son image, à sa gouvernance, et à la manière dont un grand groupe bancaire traite ses partenaires innovants dans un écosystème numérique encore fragile.


Des perspectives sombres pour le groupe BGFIBank

En rejetant l’exception d’inconstitutionnalité, la Cour Constitutionnelle a envoyé un message clair : le droit commun s’applique à tous, y compris aux institutions les plus puissantes. La suite du feuilleton se jouera donc devant la Cour d’appel, sur le terrain des faits, des contrats et des responsabilités.

Pour le groupe BGFIBank, les perspectives s’annoncent sombres. Car cette fois, il ne s’agira plus de procédure, mais bien de répondre définitivement, point par point, à une affaire devenue dérangeante pour l’un des plus puissants groupes bancaires de la sous-région. Le groupe est assisté au Gabon par trois cabinets d’avocats et en France par l’un des meilleurs cabinets français. Ernest Akendengue Tewelyo pour sa part fonde sa bonne fois sur la justice gabonaise qui doit suivre l’exemple de la Cour Constitutionnelle qui a rendu une décision claire au nom du peuple gabonais. L’actuel chef de l’Etat gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema multiplie les appels à une justice équitable pour tous. Wait and see !

Camille Boussoughou

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