90 organisations dont RSF demandent aux autorités rwandaises une enquête indépendante sur la mort de John Williams Ntwali

Reporters sans frontières (RSF) se joint à une coalition d’organisations de la société civile et d’associations de journalistes pour demander aux autorités rwandaises de garantir une enquête indépendante sur la mort du journaliste John Williams Ntwali.

Les autorités rwandaises devraient permettre qu’une enquête indépendante, impartiale et efficace, et s’appuyant sur des experts internationaux, soit ouverte sur la mort de John Williams Ntwali, un journaliste d’investigation de renom, déclarent 90 organisations de la société civile et associations de journalistes, dont RSF Les partenaires internationaux du Rwanda devraient inciter les autorités à autoriser puis à coopérer pleinement avec une telle enquête.

La famille de John Williams Ntwali a été informée de son décès le 19 janvier 2023, quand la police a demandé au frère du journaliste d’identifier son corps à la morgue de l’hôpital de Kacyiru. La police a déclaré au New Times que John Williams Ntwali était mort dans un accident de moto à Kimihurura, à Kigali, le 18 janvier à 2h50 du matin. Cependant, deux semaines après l’accident présumé, les autorités rwandaises n’ont toujours pas fourni de rapport de police, ni précisé le lieu exact de l’accident présumé, ni montré de preuves photographiques ou vidéos, ni fourni d’informations détaillées sur les autres personnes qui auraient été impliquées dans cet accident.

Un journaliste qui a vu John Williams Ntwali un jour avant sa mort a déclaré à Voice of America : “Il avait l’air prudent et a éteint son téléphone avant que l’on commence à parler… Il disait qu’on ne pouvait pas faire confiance aux téléphones. Il m’a dit que toutes les portes auxquelles il avait frappé étaient fermées mais qu’il était déterminé à affronter la vie. Sa mort a été si soudaine.”

John Williams Ntwali était régulièrement menacé et attaqué dans les médias pro-gouvernementaux pour son travail d’investigation. En juin 2022, il a dit à Human Rights Watch :

“On me dit qu’après la réunion CHOGM [Commonwealth Heads of Government Meeting, la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth], ils ne joueront plus avec nous. On me l’a dit cinq ou six fois. Je reçois des appels téléphoniques de numéros privés. Certaines personnes [des services du renseignement] sont venues chez moi deux fois, pour me le dire. La NISS [National Intelligence and Security Services, les Services nationaux de renseignement et de sécurité] m’a dit : ‘Si tu ne changes pas de ton, après la réunion CHOGM, tu verras ce qui t’arrivera’”.

John Williams Ntwali a joué un rôle de premier plan en couvrant et en attirant l’attention sur le sort des habitants du quartier de Kangondo, qu’un différend de longue date oppose aux autorités au sujet des expulsions foncières. À l’époque, il avait déclaré à Al Jazeera : “Je me concentre sur la justice, les droits humains et le plaidoyer… tous trois sont risqués ici au Rwanda. Mais je suis déterminé… Ceux qui essaient de s’exprimer, ils sont emprisonnés – harcelés, intimidés ou emprisonnés. Ou alors, ils sont obligés de fuir leur pays. Troisième option, certains d’entre eux finissent par disparaître dans la nature. Ou même, ils meurent.”

John Williams Ntwali était également l’un des rares journalistes au Rwanda à couvrir de manière indépendante les procès très médiatisés et politisés de journalistes, de commentateurs et de membres de l’opposition, et à poster des vidéos à propos de leurs conditions de détention. En juin 2022, il a parlé à Human Rights Watch des blessures causées par la torture qu’il avait constatées sur certains de ces critiques et opposants. Récemment, il a aussi publié sur sa chaîne YouTube des vidéos à propos de personnes ”disparues” de façon suspecte. Sa dernière vidéo, postée le 17 janvier, portait sur la disparition présumée d’une rescapée du génocide, qui s’était exprimée sur le fait d’avoir été passée à tabac par des policiers en 2018.

Le Rwanda a l’obligation, en vertu du droit international des droits humains, de garantir une enquête efficace sur la mort de John Williams Ntwali. Le droit à la vie est inscrit dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et selon la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, “les États prennent des mesures juridiques et autres efficaces pour initier des enquêtes et des poursuites et sanctionner les auteurs d’actes d’agression contre les journalistes et autres professionnels des médias et veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours efficaces”.

Le président du Rwanda est le président en exercice du Commonwealth depuis la dernière réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, qui s’est tenue à Kigali, au Rwanda, en juin 2022. Le président en exercice représente le Commonwealth lors de rencontres internationales de haut niveau mène le travail de prévention et de résolution des conflits du Secrétaire général du Commonwealth pour une période de deux ans. Dans la Charte du Commonwealth de 2013, les États membres ont réaffirmé leurs valeurs et principes fondamentaux, y compris le respect des droits humains, la liberté d’expression, l’état de droit et le rôle de la société civile.

Les Principes du Commonwealth sur la liberté d’expression et le rôle des médias dans la bonne gouvernance, adoptés par les ministres du droit du Commonwealth en novembre, stipulent que “les États membres devraient agir de manière décisive pour mettre fin à l’impunité par des enquêtes impartiales, rapides et efficaces sur tous les cas présumés de meurtres, d’attaques et de mauvais traitements de journalistes et professionnels des médias, en engageant des poursuites pour traduire en justice les instigateurs et les auteurs de ces crimes et en offrant une réparation effective aux victimes”.

Les autorités rwandaises ont systématiquement failli à leur obligation de mener des enquêtes crédibles sur les morts suspectes d’opposants politiques ou de personnalités critiques du gouvernement connus, comme celle de Kizito Mihigo en février 2020, et à faire en sorte que les responsables rendent des comptes. De ce fait, des experts régionaux et internationaux, tels que le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ou le Groupe de travail de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique, devraient être associés à l’enquête.  

Pour être efficace, l’enquête doit être indépendante, impartiale, approfondie et transparente, et menée en conformité avec la version révisée du Manuel des Nations unies sur la prévention des exécutions extra-judiciaires, arbitraires et sommaires et les moyens d’enquête sur ces exécutions (Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les décès résultant potentiellement d’actes illégaux).

Nous, organisations soussignées, exhortons les partenaires internationaux du Rwanda, y compris le Commonwealth, à respecter leur engagement en faveur de la liberté des médias et à demander au Rwanda de permettre qu’une enquête efficace, indépendante et rapide soit ouverte sur la mort suspecte de John Williams Ntwali.


SIGNATAIRES

1. Al Khatim Adlan Centre for Enlightenment and Human Development (Sudan)
2. Amnesty International
3. Article 19 Eastern Africa
4. Association Des Journalistes Indépendants Du Bénin
5. Association for Human Rights in Ethiopia
6. Baraza Media Lab (Kenya)
7. Bloggers Association of Kenya
8. Botswana Editors Forum
9. Center for Advancement of Rights and Democracy (Ethiopia)
10. Center for Strategic Litigation (Tanzania)
11. Centre for Development and Research (South Sudan)
12. Centre for Journalism Innovation and Development (Nigeria)
13. Chapter Four (Uganda)
14. Coalition for Whistleblower Protection and Press Freedom
15. Coalition of Somali Human Rights Defenders
16. Committee to Protect Journalists
17. Commonwealth Human Rights Initiative
18. Commonwealth Journalists Association (International)
19. Community Empowerment for Progress Organization (South Sudan)
20. Daryel Human Rights Organization (Somalia)
21. Digital Rights Lawyers Initiative (Nigeria)
22. Eastern Africa Editors Society
23. EG Justice (Equatorial Guinea)
24. Egyptian Initiative for Personal Rights
25. Ethiopian Human Rights Defenders Center
26. Ethiopian Labour Rights Watch
27. Ethiopian Women Rights Advocates
28. Federation of African Journalists
29. Federation of Somali Journalists
30. Human Rights Centre Somaliland
31. Human Rights Foundation
32. Human Rights Network for Journalists–Uganda
33. Human Rights Watch
34. Inclusive Vision for Democratic Ethiopia
35. Index on Censorship
36. Iniskoy for Peace and Development Organization (Somalia)
37. INK Centre for Investigative Journalism (Botswana)
38. Institute of Commonwealth Studies
39. Inter Africa Group
40. International Federation for Human Rights (FIDH)
41. International Press Association of East Africa
42. International Press Association of Uganda
43. International Press Institute
44. International Service for Human Rights
45. Isha Human Rights Organization (Somalia)
46. Kalkaal Human Rights and Development Organisation (Somalia)
47. Kenya Editors Guild
48. Kenya Human Rights Commission
49. Kenya National Civil Society Centre
50. La Maison de la presse du Niger
51. Lawyers for Human Rights (Ethiopia)
52. Ligue centrafricaine des droits de l’Homme
53. Maka Angola (Angola)
54. Media Foundation for West Africa
55. Media Institute of Southern Africa–Tanzania
56. Media Rights Agenda (Nigeria)
57. National Association of Black Journalists (United States)
58. Network of Ethiopian Women Association
59. Observatoire des Droits de l’Homme au Rwanda
60. Patronat de la presse tchadienne
61. Patronat de la Presse Togolaise
62. PEN Afrikaans
63. PEN Gambia
64. PEN International
65. PEN Nigeria
66. PEN Sierra Leone
67. PEN South Africa
68. PEN Uganda
69. PEN Zambia
70. Premium Times (Nigeria)
71. Protection International Africa
72. Reporters sans frontières
73. Resource Rights Africa (Uganda)
74. Robert F. Kennedy Human Rights
75. Rwanda Accountability Initiative
76. Somali Children Welfare and Rights Watch
77. Somali Journalists Syndicate
78. South African National Editors’ Forum
79. South Sudan Human Rights Defenders Network
80. South West Human Rights Defenders Network (Somalia)
81. Surbana Vision Medias and Community Services (US/Eritrea)
82. Syndicat National des Journalistes Indépendants du Togo
82. Syndicat National des Professionnels de la Presse de Côte d’Ivoire
84. Syndicat Professionnels Information Communication Sénégal
85. The African Editors Forum
86. The Daphne Caruana Galizia Foundation (Malta)
87. The Horn of Africa Civil Society Forum
88. Tiger Eye P (Ghana)
89. Union of Journalists of South Sudan
90. Vision Ethiopian Congress for Democracy

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