Gabon : Les parlementaires doivent-ils approuver ou rejeter la taxe forfaitaire d’habitation à l’origine d’une vive polémique ?

À peine investis par le peuple souverain, les députés et sénateurs gabonais seront confrontés, dès le mois de janvier prochain, à un dossier aussi sensible qu’embarrassant : celui de la taxe forfaitaire d’habitation. Présentée par le pouvoir comme un levier destiné à renforcer les ressources de l’État et à soutenir le développement national, cette mesure fiscale suscite une véritable levée de boucliers au sein de l’opinion publique.

Du côté du gouvernement, l’argumentaire est clair. Face aux besoins croissants en infrastructures, en services sociaux de base et en investissements publics, l’exécutif estime indispensable d’élargir l’assiette fiscale. La taxe forfaitaire d’habitation s’inscrit ainsi, selon les autorités, dans une logique de civisme fiscal et de solidarité nationale, chaque citoyen étant appelé à contribuer à l’effort collectif.

Mais sur le terrain, le message peine à passer. Pour une large frange de la population, cette nouvelle taxe apparaît comme une charge supplémentaire dans un contexte économique déjà difficile. Le coût de la vie ne cesse d’augmenter, alors que les salaires stagnent et que le chômage demeure élevé. Beaucoup redoutent que cette ponction fiscale n’érode davantage un pouvoir d’achat déjà fragilisé, en particulier chez les ménages les plus modestes.

La contestation, vive et persistante, dépasse la simple question de l’impôt. Elle touche au cœur du problème de la gouvernance et de la gestion des finances publiques. De nombreux citoyens dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une injustice : alors que les populations sont appelées à « serrer la ceinture », une petite caste dirigeante aurait longtemps bénéficié d’avantages indus et de largesses prélevées sur les caisses de l’État.

Ces critiques se nourrissent notamment des révélations faites lors du récent procès des Bongo. À la barre, certains accusés ont mis en lumière des pratiques de l’ancien régime, évoquant l’attribution de bonus faramineux à des collaborateurs du pouvoir. Le cas de Mohamed Oceni, ancien directeur de cabinet adjoint au palais présidentiel est emblématique de cette gabegie. Devant ses juges, Oceni a révélé qu’Ali Bongo Ondimba, chef de l’Etat lui avait accordé un bonus de 2 milliards de FCFA. Il n’était pas seul ce jour-là à bénéficier de ce « coca ». L’ancien Directeur général de la trésorerie centrale, Yann Koubdje avait aussi reçu la même somme, selon Oceni.

Des révélations qui ont particulièrement choqué l’opinion. À cela s’ajoutent les enveloppes spéciales allouées aux Premiers ministres et ministres pour leur garde-robe. Tout ceci à une époque où recrutements, reclassements et avancements dans la fonction publique étaient pourtant gelés sous le fallacieux prétexte de redressement économique.

Pour beaucoup de Gabonais, ces faits rendent difficilement acceptable l’instauration d’un nouvel impôt. Ils estiment que l’urgence n’est pas d’augmenter la pression fiscale sur les citoyens, mais de rétablir une gestion rigoureuse et transparente des ressources publiques. À leurs yeux, une véritable discipline budgétaire, la lutte contre le gaspillage et la corruption, ainsi qu’une meilleure affectation des fonds existants permettraient de dégager les moyens nécessaires au développement du pays, sans alourdir le fardeau fiscal des ménages.

Dans ce climat de défiance, les parlementaires se retrouvent à la croisée des chemins. Approuver la taxe forfaitaire d’habitation, c’est prendre le risque de se mettre à dos une population déjà exaspérée. La rejeter, en revanche, reviendrait à envoyer un signal fort en faveur d’une nouvelle gouvernance, plus soucieuse de justice sociale et de bonne gestion des deniers publics.

Le débat qui s’ouvre au Parlement dépasse donc la simple question d’une taxe. Il engage la crédibilité des nouvelles institutions et la capacité des élus à incarner les aspirations profondes du peuple gabonais : plus d’équité, de transparence et de responsabilité dans la conduite des affaires de l’État.

Avant même ce débat, Henri Claude Oyima, Vice-président du Gouvernement par intérim, chargé de la coordination de l’action gouvernementale a livré un message qui laisse croire que les parlementaires peuvent retoquer ou pas cette nouvelle taxe inscrite par l’Exécutif dans la Loi des finances de 2026.

« L’impôt ne peut être prélevé que s’il est adopté par le parlement », a notamment déclaré Henri Claude Oyima invité de l’émission « Gouvactu, le mag », un plateau spécialement dédié à la communication gouvernementale sur Gabon 1ère, la télévision de l’Etat gabonais.

« Toute taxe, tout impôt doit être autorisé par le parlement », a insisté M. Oyima laissant aux parlementaires leur libre arbitre même s’ils sont en majorité issus de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), le parti de Brice Clotaire Oligui Nguema, le chef de l’exécutif.

Daniel Etienne

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error

Vous aimez l'article? Merci de le partager.