Bitam : Saisie de 7 750 comprimés de Tramadol, un trafic qui révèle l’ampleur du phénomène des Kobolos

Les services douaniers gabonais ont réalisé, le 16 novembre dernier, l’une de leurs saisies les plus significatives de l’année à Bitam dans le nord du Gabon, en interceptant 7 750 comprimés de Tramadol King, une drogue dure largement connue sous le nom de « Kobolos ». Dissimulées dans des sacs de farine à bord d’un camion de type Canter en provenance du Cameroun, ces substances psychotropes étaient destinées à alimenter le marché gabonais, où leur consommation explose malgré les efforts des autorités.

Les comprimés étaient cachés au milieu de sacs de farine, une méthode simple mais efficace, habituellement destinée à tromper les contrôles visuels. Les vidéos amateurs circulant sur les réseaux sociaux montrent des agents extrayant les tablettes du fond des sacs, preuve d’un conditionnement pensé pour échapper aux fouilles superficielles.

L’interception soulève toutefois une question préoccupante : comment un tel chargement a-t-il pu traverser six postes de contrôle avant d’être stoppé à Bitam ? Cette interrogation pointe du doigt la vulnérabilité des dispositifs sécuritaires sur le corridor routier, laissant planer des soupçons de laxisme, voire de complicités. Pour plusieurs spécialistes, cette affaire met en évidence l’impérieuse nécessité pour le Gabon de moderniser son système de surveillance, notamment par l’installation de scanners frontaliers, afin de détecter de manière systématique les marchandises dissimulées.

Bitam, carrefour d’un trafic devenu massif

Située à la frontière avec le Cameroun, Bitam s’est peu à peu imposée comme un nœud stratégique du trafic de tramadol. À moins de 600 km de Libreville, elle constitue un point de passage privilégié pour les trafiquants, qui profitent de la porosité de la frontière et de l’intensité des échanges commerciaux pour faire transiter les kobolo vers les centres urbains.

Selon des témoins locaux, « la drogue circule comme un produit ordinaire », vendue dans la clandestinité à des prix dérisoires. Les consommateurs sont majoritairement des jeunes, parfois âgés de moins de 16 ans, attirés par les effets stimulants du tramadol, devenu un produit d’accoutumance dangereux.

Au Gabon, le phénomène des kobolo prend une ampleur alarmante. Longtemps considéré comme un simple analgésique, le tramadol détourné de son usage médical est aujourd’hui consommé comme une drogue dure, provoquant dépendance, comportements violents, troubles psychiques et accidents graves.

Les établissements scolaires ne sont pas épargnés. Enseignants et responsables d’établissements font état d’une augmentation inquiétante des cas de violence, d’élèves agressifs ou amorphes, incapables de suivre les cours. Dans certaines zones de la province du Woleu-Ntem, le produit circule « comme un bonbon », selon des habitants, au point d’être devenu l’un des principaux facteurs de déstabilisation du tissu social.

Les forces de sécurité, quant à elles, signalent une hausse des agressions, cambriolages et actes de délinquance attribués à la consommation de kobolo, qui altère les capacités de discernement et favorise les comportements impulsifs.

Une frontière vulnérable qui met la région en danger

Le cas de Bitam n’est pas isolé. Le Gabon partage des frontières terrestres avec plusieurs pays où le contrôle des médicaments psychotropes reste limité, voire inexistant. Cette situation fait du pays une destination privilégiée pour des réseaux de trafiquants opérant à l’échelle régionale. Alors que l’espace CEMAC ambitionne la libre circulation des personnes et des biens, cette affaire soulève une question centrale : les États sont-ils suffisamment armés pour sécuriser leurs frontières face à la montée des trafics de substances illicites ?

La porosité actuelle constitue un risque majeur, non seulement pour le Gabon, mais pour toute la région, en facilitant la propagation d’un commerce parallèle qui échappe totalement aux circuits officiels. La saisie de Bitam, loin d’être un fait divers isolé, doit être interprétée comme un signal d’alarme. Elle montre à quel point les frontières gabonaises restent vulnérables et appelle à un renforcement urgent des moyens matériels et humains dédiés à leur surveillance.

L’ampleur du phénomène des kobolo, déjà qualifié de « drogue des jeunes » dans de nombreuses villes, exige une réponse multisectorielle : intensification des contrôles douaniers, coopération renforcée avec les pays voisins, campagnes de sensibilisation, prise en charge médicale des consommateurs, et sanctions exemplaires contre les trafiquants.

Pour les populations, l’espoir est que cette saisie marque un tournant, en rappelant que la lutte contre les kobolo n’est pas qu’un enjeu sécuritaire, mais un combat pour protéger la jeunesse et préserver la stabilité sociale.

          Jean-Jacques Rovaria Djodji

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