Saint Thomas (nom attribué pour garantir son anonymat), 40 ans, passe encore des nuits cauchemardesques depuis qu’il a été copieusement bastonné, il y a 3 semaines par des militaires dans les PK pour violation de couvre-feu.
Cette nuit-là, Saint Thomas et deux de ses amis sont lassés du confinement. Ils foncent dans un basfond des PK (dont nous dissimulant volontairement les références). La bière coule à flot. Au lieu de se désaltérer, les 3 compères s’empiffrent. Entre-temps, les aiguilles de la montre ne font que tourner. Les 3 adeptes de Bacchus ignorent que le pays est sous le régime de la loi d’urgence. Le couvre-feu est en fait en vigueur dans le pays de 18 heures à 6 heures du matin.
A 21 heures, ils décident alors de rentrer à la maison. Ils quittent le basfond en titubant. Ils rigolent et chantonnent sur le chemin. Ils sont en joie.
Malgré le godet, ils débouchent sur le boulevard 2×2 voies des PK récemment rénové. Les lumières vives reboostent le moral des 3 noctambules qui se pavanent comme des héros. En franchissant la 2ème voie, ils aperçoivent des militaires qui avancent vers eux. Malgré la pression de l’alcool, ils sentent que les choses risquent de se gâter. Les militaires sont furieux. Comme sur un champ de guerre.
Les 3 saoulards d’un soir tentent de fuir. Dommage, un d’eux ne peut pas avancer. Trop « bourré ». Il tombe sur la chaussée. Les autres tentent de le tirer. Trop tard, les militaires sont presque là. Un des 3 échappe. Saint Thomas et son complice sont arrêtés.
Les militaires se déchaînent sur eux. Ils sont battus à coup de gourdins. « On dort dehors sous les moustiques et vous vous donnez le plaisir d’aller boire » ou « qui êtes-vous pour ne pas respecter le couvre-feu », lançaient les militaires dont nous taisons le corps.
Dans les bras d’un gang
Saint Thomas et son ami sont à bout. Leurs voix s’essoufflent. Ils sont sérieusement amochés. Les militaires menacent alors de les transférer dans leur camp. Ils passent alors un appel. Saint Thomas plus lucide que son camarade, dans un instinct de survie, tente de fuir. Il ‘échappe et se jette dans un basfond. Son corps roule comme un tonneau et s’immobilise plus bas.
Un malheur ne venant jamais seul, Saint Thomas est cueilli par des braqueurs en pleine partie de consommation de chanvre. Ils sont sans pitié pour le pauvre Saint Thomas.
« Mani, donne, Mani donne… », lui ordonne d’une voix d’outre-tombe le chef de la bande. Saint Thomas le corps ensanglanté tente de solliciter le soutien et le refuge. Sans succès. En retour, il reçoit une double baffe, un coup de patte aux fesses et des crachats au visage. Il comprend que Dieu semble lui avoir tourné le dos.
Cauchemars
Saint Thomas est mis à genoux. Les mains sur la tête. On lui donne l’ordre de ne plus bouger. Le gang s’empare de son téléphone et des miettes qui restaient dans sa poche. Après l’avoir dépouillé, ils lui montrent enfin les pivots pour éviter de tomber sur d’autres agents.
La mort dans l’âme, Saint Thomas arrive chez lui où il continue de soigner ses blessures mais sa tête et sa mémoire gardent encore et peut être pour longtemps ce traumatisme.
« Dans mon sommeil, je rêve toujours de ces militaires qui me tapent et souvent je me réveille en sanglot », témoigne-t-il affirmant que son camarade molesté avec lui ce soir-là souffre également des mêmes stigmates.
Carl Nsitou