Bruno Ben Moubamba se définit comme un prophète incompris @ Gabonactu.com
Libreville, 23 novembre (Gabonactu.com) – L’opposant Bruno Ben Moubamba qui observe une grève de la faim depuis trois semaines pour appeler au changement non-violent du système de gouvernance au Gabon, a dans un entretien exclusif accordé à Gabonactu.com déclaré n’est pas être un fou, mais citoyen agacé par un blocage chronique du pays. Les déboires des conseils provinciaux du PDG, la question du plan de relance économique décriée à son temps en qualité du membre du gouvernement d’ouverture et le changement politique intervenu au Zimbabwé, n’étaient en reste. Lecture.
Gabonactu.com : Monsieur le vice premier ministre bonjour et merci de me recevoir pour cet entretien. Où en êtes-vous avec votre grève spirituelle ?
BBM : Pas une grève spirituelle. C’est un moment de privation volontaire, ça peut être considérée comme une grève de la faim, c’est exercice d’élévation spirituel, là vous avez raison. C’est vrai pour tout simplement s’adresser à la conscience nationale. Que faisons-nous pour notre pays? Le pays est dans les difficultés. Pouvons-nous rester sans rien faire? C’est vrai que c’est un jeûne politique est sans doute une synthèse entre le fatalisme (on doit encore faire comment) ou bien la violence. Ici c’est un exercice de conscientisation, de pédagogie, de non-violence, c’est une nouvelle manière de bien faire, certainement. Mais il faut commencer un jour. Moi ça fait trois semaines que j’ai commencé à me priver pour la Nation, je considère que c’est l’actualité du moment. J’ai demandé une évolution systémique du pays, c’est-à-dire un changement de la configuration politique du pays et dans l’intérêt bien partagé du pays. On ne peut continuer avec le système actuel. Les congrès provinciaux du PDG le démontrent tous les jours. Moi je suis heureux qu’un mouvement non-violent qui était raillé en 2009 soit pris au sérieux. Indépendamment de quelques réactions des personnalités parfois peu profondes. Vous savez, on a fait un jeûne national vendredi dernier. Ça été très suivi dans les églises, discrètement sans que ça ne fasse du bruit. Ça été très très très suivi. Vendredi prochain, j’appelle de nouveau à la privation nationale volontaire des âmes bienveillantes. Pour que quelque part les choses puissent se passer positivement. Vous voyez par exemple le Zimbabwé, voilà un pays qui vient d’évoluer sans la pression internationale, sans les occidentaux, sans rien, parce que les zimbabweéns ont pris leur responsabilité, ils ont décidé de ne pas gaspiller leur pays. Ils ont fait les choses proprement, c’est intéressant. Félicitation à
Mugabé, félicitations au peuple, félicitation à l’armée. A un moment il faut qu’on fasse les choses nous-mêmes, avec les moyens que nous avons. Les plus modestes. Ils n’ont pas eu besoin de l’ONU, de l’Union africaine et voilà. Le Zimbabwe doit orienter la direction. Comme au Gabon c’est simple, le Gabon doit aller vers une direction de la réconciliation nationale, la prise en compte des uns des autres, le rassemblement de toute la Nation autour d’objectifs bien partagés. C’est-à-dire qu’est-ce qu’on fait d’un système de 50 ans qui ne marche plus? Je pense que tout le monde est d’accord. On a vu l’annulation du congrès du PDG par exemple dans le Haut Ogooué. Voilà on est tous épuisé. Lorsque j’épuise mon corps c’est l’enseignement que je donne, c’est la pédagogie. Je peux dire pour finir que si Kenny se bat peut être à Malcom X à l’africaine, si Guillaume Soro est un Tcheguevara à l’africaine, moi je me considère, toute proportion gardée, comme un pauvre petit minuscule Luther King.
Gabonactu.com : Le système peut changer, les hommes restent les mêmes?
BBM : Les hommes, les femmes ne sont jamais un problème. Il ne s’agit pas des questions personnelles. C’est une erreur que de penser que le problème du Gabon s’appelle Jean Ping, le problème du Gabon s’appelle Bongo, le problème du Gabon s’appelle je ne sais qui. Puisque c’est un peu le discours qu’on a vendu aux gens. Non non pas du tout ! Le problème du Gabon n’est pas un problème de personne. C’est un problème systémique. Il faut changer le système. C’est la configuration dans laquelle nous sommes tous enfermée. Je prends un exemple, lorsque dans un club de foot, la situation est pourrie parce qu’il y a une mauvaise configuration, c’est l’équipe qui perd. Lorsque dans une famille papa et maman se battent tous les jours, les enfants sont traumatisés. C’est ça la configuration.
Gabonactu.com : Depuis que vous avez commencez votre grève de la faim, vous avez déjà des résultats escomptés, qui sont palpables?
BBM : Écoutez, moi je suis un homme spirituel. Je crois à la force de l’immatérialité sur la matière. Je pense que tout est d’abord immatériel. Je considère que c’est en partie grâce au mouvement que j’anime modestement de chez moi, à l’insu du grand monde que quelque part les choses bougent dans le pays d’une manière ou d’une autre (…) le constat de tous les observateurs sérieux, le problème de l’endettement, encore ce matin (22 novembre) dans le quotidien national, tout me donne raison. Vous savez quand même que j’ai été limogé pour avoir eu raison? Aujourd’hui tout le monde que ce n’est pas sérieux. Que c’est quoi cet endettement, on va bientôt être excu de la CEMAC si on continu? On est à 65 % on ne peut pas dépasser les 70 % c’est interdit.
Gabonactu.com : Toujours pour aller dans le même sens, on vous donne raison aujourd’hui au sein de l’UPG, avec les soubresauts en cours actuellement dans ce parti dont vous étiez il y a quelques années le secrétaire général.
BBM : Je suis un prophète et les prophètes sont incompris. C’est le destin des prophètes, ils sont toujours incompris dans un premier temps. Malheureusement quand on leur donne raison ils ne sont plus là (rire) pour dire aux gens vous voyez j’avais raison. J’étais limogé pour avoir eu raison contre le gouvernement Issozé Ngondet. C’est un gouvernement critiqué maintenant par des pédégistes à commencer par Ntera Etoua qui considère que le premier ministre doit démissionner. Ce n’est pas moi qui le dis, je ne suis pas allé jusque-là. C’est un gouvernement qui n’a pas de résultats. Le Plan de relance économique (PRE) ne donne pas des résultats. On n’a pas fait des bons choix dans tous les domaines. Même mon remplaçant a perdu l’élection du Membre du Bureau Politique à Moabi. Tout ça c’était pour quoi faire, quel était le but de toutes ces manœuvres ? Moi je suis serein. Je n’ai rien contre personne. Je ne combats pas les gens. Je peux même dire que j’ai beaucoup d’estime pour mes adversaires, tous. Je les aime, je ne les
déteste pas. Mais je devais témoigner devant l’histoire. Je devais dire ce que j’avais à dire. Je sais que chacun sait aujourd’hui que j’ai eu raison. Maintenant je ne me gargarise pas, je ne me vente pas d’avoir eu raison puisque je suis inquiet pour mon pays. Il faut absolument vaincre le chômage. Les gens sont affamés partout dans l’hinterland, à l’intérieur du pays.
Gabonactu.com : A quand la fin de votre grève de la faim ?
BBM : Ma grève de la faim va se poursuivre jusqu’au congrès du PDG. Ça sera un mouvement de 40 jours voire 50 jours. Cela ne veut pas dire que temps en temps, j’ai des enfants, je ne peux pas prendre une cuillère de miel ou un remontant. Mais je ne rien à démontrer ni à prouver à qui que ce soit. Je sais pourquoi je fais le fait.
Gabonactu.com : Vous n’avez pas peur pour votre santé ?
BBM : Je ne suis pas suicidaire. C’est un acte sacrificiel. C’est exercice spirituel. Je suis comme le Christ. Toute proportion gardée, je me sacrifie pour la Nation à travers ces actes de privation. D’ailleurs je vous invite à me prendre une photo de mon petit mouton qui est né cette nuit, tout noir, avec une tâche blanche sur le front. C’est le symbole de ce que je fais. C’est le signe du salut, de la bénédiction. Il est tout noir, symbole d’obscurité, sur la tête tout blanc. Une sorte de couronne du salut. Dieu parle par les signes aussi. Ici, je suis comme un berger, j’ai quelques moutons. Comme je l’ai dit, les gens ne m’ont pas cru, je viens au nom du seigneur, comme David devant Goliath.
Gabonactu.com : Après le BBM challenge où on vous voit courir sans trop comprendre pourquoi, aujourd’hui c’est la grève de la faim, d’aucuns vous prennent pour un fou, que répondez-vous ?
BBM : Ceux qui ne sont pas fous pour les gabonais ce sont ceux qui tuent les gens, qui commettent des crimes rituels, ceux qui ne sont pas fous ce sont ceux qui volent l’Etat, ceux qui ne sont pas fous, ce sont ceux qui sont violents, les gens agressifs, hargneux qui n’ont aucun respect pour leur pays. Dans ces conditions oui je suis fou, je suis fier d’être fou. Si c’est pour être comparé aux gens normaux, si les gens normaux ce sont des assassins, les bandits, les violeurs, les gens qui n’ont rien à foutre du pays, oui dans ce cas je suis fou. Quel est le problème?
Gabonactu.com : Gabonactu vous remercie.
BBM : C’est moi qui vous remercie
Propos recueillis par Sydney IVEMBI