Libreville, Gabon (Gabonactu.com) – Anne-Marie Dworaczek-Bendome, un des plus virulents cybers activistes gabonais est décidément fidèle à sa réputation. Depuis la France où elle observe le Gabon, son pays natal, elle a accordé via Internet une interview vérité à Gabonactu.com dans laquelle elle brocarde sérieusement le pouvoir et n’offre aucune fleure à l’opposition que semble incarnée Jean Ping. Pour elle, la jeunesse surprendra un jour les papys qui font de la résistance aujourd’hui. Interview à lire absolument !
Gabonactu.com : Vous êtes parmi les gabonais de la diaspora les plus actifs sur Internet. Doit-on vous considérer comme une cyber opposante, une opposante ou une gabonaise simplement soucieuse de l’avenir de son pays ? |
Anne-Marie Dworaczek-Bendome : Une simple citoyenne engagée Je suis Anne-Marie Dworaczek-bendome. Je suis née, le 22 octobre 1962 – à Libreville, province de l’Estuaire. Je reste attentive et sensible aux réalités sociales, économiques et des droits humains dans mon pays. |
Gabonactu.com : Le pays va mal. C’est l’opinion de la majorité des gabonais de la diaspora. N’est-ce pas exagéré ? |
AMDB: Mon pays va mal, il n’y a Aucune exagération, les faits parlent d’eux-mêmes, à l’exemple du rapport McKinsey. Ecoutez ! Il est bon de régulièrement fustiger les gabonaises et gabonais de la diaspora, ils n’auraient pas les pieds sur terre, ils seraient toutes/tous des doux/douces rêveuses/rêveurs. Okay ! Mais eux, qui ont les pieds sur terre, les mains soient disant dans le cambouis, qu’ils me disent ce qu’ils ont fait d’extraordinaire pour leurs compatriotes sur l’ensemble du territoire national. Excusez-moi, à part se servir. Pour ma part, je n’ai rien vu qui me ferait taire. Ce sont eux qui devraient se la jouer un peu modeste, eux qui prennent le pays pour un grand magasin dont ils seraient eux les uniques propriétaires à vie. Le divorce existe désormais entre les 80% de gabonais qui ont été oubliés, laissés, abandonnés sur le bord de la route et les autres de tous bords. Tous ces gargantuesques d’hier et d’aujourd’hui spécialisés dans le chapardage de deniers public à grande échelle. Nous sommes d’un même pays mais vivons des réalités différentes. Si on évalue la situation sociale-économique, on s’aperçoit qu’un petit groupe social plus minoritaire conserve à lui tout seul 95% des richesses du pays. Conclusion même si on n’ose pas prononcer pas le mot, il existe bel et bien une ségrégation, non pas par la couleur de peau mais par le pouvoir économique et le poids de l’argent. Pour conclure : « Non », le fait que le pays aille mal n’est pas une vue de l’esprit. |
Gabonactu.com : La présidentielle de 2016 s’est encore loin. Mais les grandes manœuvres ont déjà commencé. Qui selon vous pourrait être le candidat de l’opposition le plus crédible pour terrasser le PDG et son candidat naturel ? |
Anne-Marie Dworaczek-Bendome : Candidat idéal ou candidat naturel ? Attendons encore un peu. On ne va pas à un concours de karaoké. On se prépare à une élection présidentielle. Pas à un jeu télévisé.
Le « fan club » que l’on peut se créer parce qu’on a les coffres pleins d’argent c’est une chose à part. Concourir à la conduite d’un état exige d’avoir un programme, des idées claires, pas uniquement de posséder un porte-monnaie qui pèserait lourd et un carnet d’adresses. Pour le moment, dans l’opposition telle qu’elle se présente à ce jour, nous sommes depuis la mort d’Omar Bongo Ondimba, des témoins involontaires et impuissants des déchirements spectaculaires entre certains de ses enfants naturels et adoptifs. Le cas d’école le plus emblématique est celui du tandem Jean Ping/Ali Bongo. Une affaire de personne, de règlement de compte entre parents. Dans cette histoire, le Gabon n’est qu’un subterfuge, voire un prétexte fallacieux pour rendre le spectacle plus attrayant, faire mousser un peu. A part « Ali Bongo doit dégager« , qui connait le programme de Mr Jean Ping pour le Gabon et les gabonais. Pour info, le Monsieur a été plusieurs fois ministre et président de l’Union Africaine quand même, on attendait mieux que les déclarations à l’emporte-pièce. Mr. Jean Ping ex-compagnon de Madame Mferri Bongo, fille d’Omar et sœur d’Ali, l’actuel président de la République et ils ont eu des enfants. Alors comment une bataille intestine qui oppose les membres de ces deux (2) clans entre eux serait l’unique salut des gabonais pour la présidentielle 2016 ? Pour 2016, si on oublie un instant, des personnes sorties de la naphtaline à l’instar d’un Mr Pierre Amoughé Mba, je ne désespère pas, je sais qu’il y a une vraie relève sérieuse derrière. Il y a ceux qui ont occupés des fonctions importantes dans le pays, mais surtout les jeunes quadras, bouillants, vifs, etc…présents dans le pays et à l’étranger. |
Gabonactu.com : Certainement dans la perspective de 2016, Ali Bongo Ondimba a mis en place le pacte social. Bonne ou mauvaise initiative ? |
Anne-Marie Dworaczek-Bendome : Même si c’est avec un certain retard, il vaut mieux tard que jamais. C’est une bonne initiative, si c’est l’état qui agit réellement avec la participation active des premiers concernés, c’est dire les gabonais eux-mêmes.
Pourquoi jusqu’à ce jour, 80% de la population a été oublié et ce, pas seulement sous la présidence actuelle mais aussi sous les précédents gouvernements des 42 ans de pouvoir d’Omar Bongo Ondimba.
Personnellement, j’en ai assez que l’on regarde les simples citoyens de ce pays comme des quantités négligeables, des rebuts, des êtres humains sans importances. La pauvreté et toutes les conséquences qui en découlent doivent être au centre des préoccupations des gouvernants : il faut réparer ! La lutte contre la pauvreté, c’est l’humain et le social d’abord, pas le social « don« mais le social comme outils pour sortir de la misère, pour que l’on se relève, sorte la tête de l’eau et s’auto-suffise. Il faut apprendre aux peuples à pêcher et non leur donner du poisson pour qu’ils vous soient redevables vitam aeternam. On ne peut entamer la lutte contre la pauvreté sans associer les premiers concernés – on marche alors sur la tête et le résultat sera le même que les autres fois : clairon, cymbale, tambour, etc. …Et puis pschitt à l’arrivée Quant aux 250 milliards de F-CFA annoncé par le président de la république lors des « Assises-sociales » au stade de l’Amitié de Libreville, vont-ils aller cette fois à la population ou vont-ils servir à des ravalements et aux achats de consciences ? Je suis pragmatique, je veux que l’on puisse améliorer la vie des gens réellement, pas les rendre dépendant comme c’est le cas depuis toujours. A-t-on peur qu’un gabonais jouissant pleinement de ses droits, vivant de son labeur dignement ne puissent plus aller voter contre 5000 F-CFA et quelques babioles comme le veut us et coutumes en vigueur dans le pays ? Va-t-on arrêter de sacrifier l’avenir des gens pour sauvegarder des intérêts de quelques-uns ? Dans un rapport élaboré depuis 1994 par une équipe de près de trente (30) experts de la Banque mondiale sur la pauvreté au Gabon, les conclusions étaient plus sévères. L’étude dénonçait les profondes distorsions sociales impitoyablement au Gabon : Les inégalités entre les régions proches des centres urbains (Estuaire avec Libreville, Ogooué Maritime avec Port-Gentil et Haut Ogooué avec Franceville et Moanda) et les autres provinces, en particulier la Ngounié, la Nyanga, l’Ogooué Ivindo et l’Ogooué Lolo, sont encore énormes. Et le rapport copié-collé de « McKinsey de 18 milliards F-CFA« ne dit pas autre chose. Conclusion : Assez de mots, de faux semblant, de l’enfumage, du saupoudrage. Il faut sortir des plans de communication. Il faut arrêter de vomir des promesses sans suites. Place aux actes concrets. |
Gabonactu.com : Et s’il vous était donné l’occasion de faire des suggestions au pouvoir et à l’opposition ? |
Anne-Marie Dworaczek-Bendome : «Le pacte social« sera une aide à la décision pour voter « pour« ou « contre« Ali Bongo.
A l’opposition gabonaise, je n’ai pas de conseils à donner, je suis d’en-bas, et croyez-moi, que l’on soit du pouvoir actuel ou de cette opposition composée d’anciens apparatchiks du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), nous sommes tous des gabonais. Par contre, nous sommes majoritaires dans le pays, nous les « Makayas ». Néanmoins, au pouvoir en place, je leur dirai, Mesdames, Messieurs, regardez et admirez la résilience des gabonais, malgré vos abandons successifs, ces hommes, femmes, enfants et plus âgés gardent espoir. Prenez garde ne pas allez plus loin que ce que vous avez fait et faites aujourd’hui. Les gabonais ne sont pas le problème mais la solution. |
Je vous remercie. |