Bertin Ngoua Edou, Directeur de la publication du bimensuel satirique Le Diagnostic interpellé lundi dernier à Libreville par des gendarmes qui l’ont conduit à la Direction générale des recherches (DGR) devient le premier journaliste gabonais incarcéré dans une cellule depuis l’adoption en 2017 du nouveau code de la communication qui dépénalise les délits de presse.
Le journaliste a passé son réveillon de fin d’année dans une cellule de la DGR. Il s’y trouve toujours, l’enquêteur chargé de son dossier n’ayant pas travaillé le 1er janvier.
Dans la dernière parution du 27 décembre dernier, le journal Diagnostic a publié un article affirmant que l’actuel président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), René Ndemezo’o Obiang a reçu de Brice Laccruche Alihanga, l’ex Directeur de cabinet d’Ali Bongo une somme de 800 millions de FCFA et 3 véhicules tout terrain. Le somptueux cadeau avait pour but de supplier le bénéficiaire de servir « d’avocat » auprès du chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba afin que Laccruche Alihanga ne soit pas jeté en prison comme ses lieutenants.
René Ndemezo Obiang aurait disparu après avoir encaissé l’argent et les voitures sans plaider auprès d’Ali Bongo Ondimba, soutient le bimensuel.
La direction du journal soutient avoir obtenu ces informations des proches de l’ex ministre et député Tony Ondo Mba actuellement incarcéré à la prison centrale dans le cadre de l’opération Scorpion.
René Ndemezo Obiang et Tony Ondo Mba sont tous originaire de Bitam une ville du nord du Gabon. Les deux leaders ne se font pas forcément des bisous.
« L’arrestation et la détention de ce journaliste sont illégales, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Le Code de la communication ne prévoit pas de peines privatives de liberté pour les délits de presse. Si une personne s’estime lésée par un article, il existe des recours légaux, notamment devant l’organe de régulation, sans qu’il soit nécessaire d’interpeller et de maintenir un journaliste derrière les barreaux. Nous appelons les autorités à tout mettre en oeuvre pour que les droits de ce directeur de publication soient respectés et qu’il puisse passer le réveillon en liberté », a déploré l’ONG Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué.
Les sanctions prévues par les articles 183 à 186 et 192 à 196 du Code de la communication en vigueur depuis 2017 prévoient notamment des amendes, la suspension d’un média, le retrait provisoire ou définitif de son autorisation, mais aucune peine privative de liberté pour des faits commis dans l’exercice du journalisme.
Le Gabon occupe la 115e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.
Carl Nsitou