Le Secret oublié : comment deux ethnies du Gabon sont devenues le Cœur de l’Eglise de l’Alliance Chrétienne (diagnostic du Révérend Clément Leyinda)

Le Révérend Clément Leyinda, par ailleurs, doctorant en leadership transformationnel, a, dans une étude rigoureuse et méticuleuse montré comment deux ethnies du Gabon (Punu et Nzebi), sont devenues le cœur même de l’Eglise de l’Alliance Chrétienne et missionnaire du Gabon.

Ci-dessous, la synthèse de cette étude

Le Secret Oublié : Comment deux Ethnies du Gabon sont Devenues le Cœur de l’Eglise de l’Alliance Chrétienne.

Introduction

Au Gabon, le phénomène est visible : une prédominance historique et continue des populations Bapounou et Banjabi (Nzébi) au sein de l’Eglise de l’Alliance Chrétienne et Missionnaire du Gabon (EACMG). Ce n’est pourtant pas le fait du hasard. Longtemps interprétée comme une simple coïncidence démographique, une analyse croisée de l’ethnographie précoloniale révèle une vérité bien plus stratégique : le succès missionnaire fut le résultat d’un ciblage chirurgical.

Des travaux majeurs, de Deschamps à Laure Cynthia Mboyi Moukanda, attestent de la forte concentration démographique des Pounou dans les quatre districts clés du Sud (Mouila, Ndendé, Moabi, Tchibanga) et de leurs voisins Nzébi dans le Sud-Est. Mieux encore : ces deux groupes étaient liés par des réseaux commerciaux anciens et solides (échanges de sel contre outils). Lorsque la CMA (Christian and Missionary Alliance) a décidé, de s’implanter (Bongolo en 1933, Nyali en 1941, Iléka en 1942), spécifiquement sur ces territoires, elle ne faisait qu’investir des zones à forte densité et à forte interconnexion. Voici comment les facteurs ethno-économiques du XIXe siècle ont préparé, de façon involontaire, le terrain de l’évangélisation du XXe siècle.

I. L’Empreinte Géo-Ethnique et l’Interdépendance Précoloniale

Les travaux fondamentaux de Deschamps l’analyse plus récente de Laure Cynthia (1962) sur la période précoloniale, ainsi que Mboyi Moukanda (2013), établissent une cartographie précise de l’occupation territoriale et des liens d’interdépendance des groupes concernés.

  • Les Bapounou : Selon Deschamps (1962, p. 25), ces populations occupaient, en territoire gabonais, « la plus grande partie des quatre districts de Mouila, Ndendé, Moabi et Tchibanga », signalant ainsi leur implantation massive dans le Sud-Ouest du pays.
  • Les Banjabi (ou Nzébi) : Deschamps (1962, p. 50) les décrivait comme un groupe dont l’occupation s’étendait sur « la plus grande partie des districts de Mbigou et de Koulamoutou au sud-est des Massangou, et débordent sur les districts de Lastourville et de Franceville », témoignant de leur présence significative dans le Sud-Est.
  • Le Fondement des Échanges et la Proximité (Mboyi Moukanda, 2013, p. 206) : La thèse de Laure Cynthia Mboyi Moukanda souligne que la proximité territoriale entre les Punu de la plaine et les Nzébi a favorisé des échanges économiques réguliers. Ces relations, bien que parfois émaillées de « palabres », demeuraient généralement cordiales. Les Punu se rendaient couramment en milieu Nzébi pour échanger des produits essentiels comme le sel contre des pagnes, des haches et des couteaux, s’appuyant sur des partenaires commerciaux établis. Cette interdépendance marchande a renforcé le maillage relationnel entre les deux peuples.

Ces données ethno-géographiques et socio-économiques  attestent  de  la  position démographique, spatiale, et relationnelle majeure de ces deux entités au moment de l’implantation des premières missions,

II. L’Impératif du Choix Missionnaire et l’Action de la CMA

L’ouvrage de Dr. Thompson (2004), Au-delà des brumes, confirme que la vocation première de la Christian and Missionary Alliance était l’évangélisation de la région méridionale du Gabon.

L’étude des stratégies missionnaires révèle un choix délibéré et méthodique dans la sélection des premiers foyers d’implantation :

  • Axes Pionniers : L’effort d’évangélisation de la CMA s’est focalisé initialement sur des localités stratégiques situées au cœur des territoires Punu et Nzébi, notamment Bongolo (dès 1933), Nyali (1941) et, subséquemment, Iléka (1942).

Ce déploiement ciblé de l’activité missionnaire dans les territoires Nzébi et Punu constitue un facteur fondamental.

III. Synthèse Explicative de la Prédominance

Il est donc permis de postuler que la prédominance des populations Banjabi et Bapounou au sein de la communauté de l’Alliance Chrétienne et Missionnaire s’expliquepar une confluence de facteurs ethno-historiques, économiques et stratégiques :

  1. Facteur Ethno-Socio-Démographique : La densité démographique et l’étendue territoriale, combinées à une proximité relationnelle historiquement cimentée par les échanges commerciaux (Mboyi Moukanda), conféraient à l’entreprise missionnaire un bassin de conversion initial naturellement vaste, interconnecté et concentré.
  • Choix Stratégique de la CMA : La décision d’ériger les premières stations phares dans l’aire géographique occupée par les Punu et les Nzébi a mécaniquement engendré une conversion de masse au sein de ces populations, leur conférant un statut de précurseurs et de socle pour l’expansion ultérieure de la mission.

Conclusion

En conclusion, la primauté religieuse observée est la résultante directe de l’intersection entre une réalité socio-démographique et d’interdépendance préexistante (la forte présence Punu et Nzébi et leurs réseaux d’échanges) et une volonté d’implantation missionnaire qui les a désignés, dès les premières décennies, comme les destinataires privilégiés de son action.

Source :  CL

Gabonctu.com

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