Libreville, Gabon (Gabonactu.com) – La journée du 20 décembre 2014 est tristement rentrée dans l’histoire politique du Gabon à cause des violences à la suite d’une tentative des militants de l’opposition de participer à un meeting interdit par le pouvoir. Gabonactu.com retrace un petit film de cette folle journée pour laquelle, le pouvoir et l’opposition se déchirent sur le bilan.
Au réveil, les habitants des envions du carrefour Rio dans le 3ème arrondissement où devait se tenir le meeting, découvrent un carrefour assiégé. Des policiers et des gendarmes quasiment sur toutes les entrées et sorties. Trois gros camions de transport de troupes sont stationnés au milieu du carrefour. Il y a aussi un camion blindé anti-émeute.
La circulation automobile est encore possible. Vers 11 heures cependant, l’ordre est donné de couper la circulation automobile. Le trafic est détourné vers l’aéroport, Owendo ou le centre ville ou encore Akébé ville et Nkembo. Pour rentrer à Rio, la distance minimale à marcher est d’au moins 500 m. Suffisant pour voir venir des grappes de personnes.
Toute la matinée, policiers, gendarmes et militants de l’opposition jouent au jeu du chat et de la souris. Les jeunes probablement jouant aux éclaireurs vont et reviennent. Les autres ne quittent presque pas le carrefour. Un peu ruinés par le soleil, la fatigue et l’oisiveté, les forces de l’ordre ont quasiment leur armure baissée. Certains déambulent. D’autres se partage le sourire. Il y a beaucoup d’hommes. Peu de femmes.
Vers 13 heures, la place se remplie peu à peu. La nervosité commence. Même les journalistes ne sont plus sentis comme des partenaires mais un peu comme des obstacles. Mais raison gardée, les journalistes ne sont pas priés de vider les lieux.
14 heures. Un petit groupe d’une cinquantaine de jeunes vêtus d’un T-shirt blanc sur lequel ils ont écrit « Ali Dégage » au feutre rouge, un balai brindille à la main et une banderole à bout de bras entonnent l’hymne nationale. Ils ont aussi l’emblème national. Ils répètent ce scénario à plusieurs reprises. Nous sommes à la sortie qui mène vers Venez voir. Le groupe de policiers qui sécurisait ce couloir reçoit le renfort d’un autre groupe. Ils sont désormais une soixantaine. Voir plus.
Le face à face avec la police est tendu.
Plus loin, un autre groupe jette des bouteilles et des cailloux sur des gendarmes. Ces derniers ripostent par des gaz lacrymogènes.
Les hostilités ont démarré. Le concert des bombes lacrymogènes contre les cailloux est à la fois beau à écouter mais difficile à supporter.
Deux hélicoptères de l’armée survolent la zone. Ils fournisseurs certainement des renseignements aux troupes au sol. Les forces de l’ordre sont harcelées un peu partout. Ils balancent les lacrymogènes dans toutes les directions. Les habitants de la zone n’ont certainement pas rigolé. Ils ont l’électricité coupée depuis les premières heures de la matinée. La vie est infernale.
Dans ce cafouillage, les leaders de l’opposition tentent de pénétrer à pied le carrefour Rio en venant de Venez voir. Mais la police charge.
Jean Ping équipé d’un masque et d’un gilet pare-balle résiste mais sa garde l’exfiltre. Les autres venus gaillardement un balai brindille à la main étaient déjà partis en vitesse.
Les interpellations ont commencé. Plusieurs foyers de tension sont signalés à plusieurs endroits de la ville. Finalement une pluie aide la police à rétablir l’ordre.
En ville, les fonctionnaires font la queue devant les guichets automatiques de banque, un communiqué paru dans la presse vendredi invitait les fonctionnaires à passer à la caisse dès samedi. Au palais présidentiel, Ali Bongo et son épouse organisent un arbre de noël au milieu de centaines d’enfants.
La nuit commence à tombée. Rio est libéré. La circulation est rétablie et c’est l’heure du bilan. Une dépouille est présentée au Gros bouquet. Il s’agit de l’étudiant Mboulou Beka, 30 ans. Son corps est ensanglanté. C’est l’unique mort reconnu officiellement. L’opposition dans un communiqué regrette trois décès.
Plusieurs jeunes sont au Gros bouquet dans un coin. Ils sont en état d’arrestation. Les autres sont déjà devant des officiers de police judiciaire. Ils sont entendus sur procès verbal.
Le représentant de l’ONU pour l’Afrique centrale, Aboudoulaye Bathily dont les bureaux sont à Libreville publie un communiqué pour appeler au dialogue. C’est la fin de la journée folle du 20 décembre 2014.
Martin Safou